Telle est en substance la conclusion tirée par une bonne partie de la presse internationale au regard de l’évolution de la situation dans ce pays d’Afrique de l’Ouest.
« La trajectoire prise par la Guinée semble être celle de l’autoritarisme et certains craignent jusqu’à un retour à l’ère du parti unique du père de l’Indépendance, Sékou Touré, aujourd’hui réhabilité ». Qu’on ne s’y trompe pas : ces quelques mots n’ont pas été prononcés par un irréductible détracteur du chef de la junte militaire au pouvoir en Guinée. Ils ne sont pas non plus l’œuvre d’un membre du Front national de défense de la Constitution (FNDC), vaste coalition de partis, syndicats et organisations de la société civile, dissoute le 9 août dernier par un décret des putschistes.
Ils ont été extraits des colonnes d’un grand quotidien français, Le Point, pour ne pas le nommer, qui a consacré un article au titre évocateur sur la situation du pays. Dans ce papier, « Guinée : plus dur est le désenchantement » signé de Sabine Cessou, dont l’objectivité peut difficilement être remise en cause, il est pointé pêle-mêle « les espoirs suscités par les putschistes qui ont été douchés » ou encore « des signes inquiétants apparus dans la gouvernance » de Mamadi Doumbouya, lequel est accusé par un autre analyste « d’exercice autoritaire du pouvoir et d’atteintes inadmissibles » aux droits fondamentaux.
Dans l’intervalle, le chef de la junte est étrillé par les envoyés spéciaux d’un autre hebdomadaire sérieux ayant également son siège à Paris. Ceux-ci raillent les promesses d’un Doumbouya qui voulait « faire l’amour à la Guinée » et qui se retrouve à la tête d’un « régime opaque et autoritaire » qui compte se maintenir au pouvoir par la ruse et la violence. À l’image de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ou de certains organismes spécialisés de l’ONU, de nombreux titres internationaux pourtant favorables au début aux putschistes s’inquiètent de l’évolution de la situation et souhaitent de plus en plus ouvertement que la durée de la transition soit écourtée.
Le contraste entre ce changement de tonalité avec l’enthousiasme sinon le soutien apporté par la presse internationale au coup d’État qui a renversé le régime du président Alpha Condé le 5 septembre 2021 est saisissant. Si on était des mauvaises langues, on aurait pu dire que cette alliance de la carpe et du lapin, qui s’était dessinée au lendemain du coup d’État entre la presse internationale et les tombeurs de l’ancien président, n’a même pas duré une saison ; elle a volé en éclat en moins de 9 mois seulement, tant les sujets d’inquiétudes ne manquent pas. Faut-il rappeler qu’au lendemain du putsch, la plupart des journalistes, y compris certains démocrates auto-proclamés ont voulu voir dans ce changement brutal de régime qu’un « sursaut patriotique » destiné à sauver la Guinée d’un supposé troisième mandat contesté de l’ex-chef de l’État.
Un peu plus d’un an après, la déception des journalistes étrangers est à la hauteur de leur complaisance à l’égard des putschistes, qui en sont aujourd’hui réduits à réprimer dans le sang des manifestations pacifiques sur la voie publique. Parlant du chef de la junte, un éditorialiste américain soutient, en citant un diplomate occidental en poste à Conakry, qu’un « scénario à la Moussa Dadis Camara n’est pas à exclure ». On le sait, tout comme Mamadi Doumbouya, le jeune capitaine putschiste avait promis en 2008 qu’il ne se présenterait à la présidentielle à l’issue de la transition avant de se rétracter quelques mois plus tard. Un revirement à 180° qui avait suscité une levée de bouclier de la part de l’opposition et qui a conduit au massacre du 28 septembre 2009 dans le stade de même nom, causant la mort d’au moins 157 personnes ainsi que le viol d’une centaine de femmes. D’ailleurs les présumés auteurs de ce massacre sont actuellement jugés par un tribunal criminel de Conakry. Ni les tentatives de récupération de la junte ni les campagnes de communication financées par elle à coup de millions n’ont produit l’effet escompté : faire croire à l’opinion publique internationale que Mamadi Doumbouya serait un chevalier blanc au service de la justice. Chat échaudé craignant l’eau chaude, les professionnels de médias étrangers ont désormais adopté la circonspection comme attitude face aux initiatives des putschistes.
En clair, ce qu’on observe sur les rares chaines d’informations traitant de la situation en Guinée ou dans les journaux internationaux, c’est la méfiance. Nombreux sont les journalistes qui admettent qu’ils se sont trompés au sujet de Mamadi Doumbouya et qui reconnaissent que depuis qu’il s’est emparé du pouvoir ses décisions défient la logique démocratique. À titre d’exemple, font savoir ces derniers, « le chef de la junte ne s’est pas gêné pour verrouiller son pouvoir, avec fermeté ». À preuve, quelques mois seulement après le coup d’État, le 22 janvier 2022 pour être plus précis, les putschistes ont quasiment exclu la classe politique guinéenne du Conseil national de transition (CNT), qui fait office de Parlement. Sur les 81 membres nommés par Mamadi Doumbouya, seulement 15 appartiennent aux partis politiques, ce qui n’a pas manqué de créer des tensions.
Le chef de la junte a engagé un bras de fer contreproductif avec les autres composantes de la société guinéenne, s’installant dans un monologue en lieu et place du dialogue constructif souhaité par tous. Conséquence : lorsqu’ils ne sont pas contraints à l’exil, les principaux chefs de partis politiques et leaders de la société civile se plaignent d’être marginalisés par la junte. En plus de cette marginalisation orchestrée par les occupants du Palais Mohamed V, le siège de la junte, pour les affaiblir, ces leaders de l’opposition sont en butte aux arrestations et aux restrictions de liberté.
Enfin, il y a un constat dressé par un journaliste hollandais qui a retenu notre attention, au-delà des autres considérations conjoncturelles. Celui-ci a remarqué un « épuisement mental » chez Mamadi Doumbouya, qui serait le fait de son incapacité à proposer des solutions efficientes aux nombreux problèmes des Guinéens. À l’en croire, il suffit de scruter ses interventions, cherchant à lire davantage sur son visage dissimulé derrière des lunettes noires, pour se rendre compte de sa déchéance mentale. Ce qui le rendrait nerveux et paranoïaque, deux tempéraments qui ne font pas bon ménage avec le calme et la sérénité réclamés à tous les vrais dirigeants. Et ce journaliste hollandais de conseiller au chef de la junte de renoncer au pouvoir pendant qu’il est encore temps.
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