C’est particulièrement le cas des militaires félons qui ont porté atteinte à la démocratie guinéenne le 5 septembre 2021. Ils souffrent du complexe du parvenu qui, chaque fois, les poussent à vouloir se justifier. Toujours gauchement, il faut bien le noter. Cette attitude nous aurait simplement arraché un sourire s’il ne s’agissait pas d’un sujet grave.
À peine avons-nous relayé les rumeurs du probable assassinat de Michel Lamah, le militaire qui avait arrêté le président Alpha Condé lors du putsch que le chef de la junte de Conakry s’est-il empressé de prendre la pose avec ce dernier et de faire publier la photo.
On remarquera que sur la photo publiée par les propagandistes de Mamadou Doumbouya, en plus de Michel Lamah, y figurent quatre autres membres de sa famille, à savoir son épouse, sa mère, l’une de ses sœurs et son nourrisson. On remarquera aussi que depuis ce coup d’État inique, c’est la première fois que Michel Lamah et Mamadi Doumbouya apparaissent sur une même image. Comme quoi, il aurait fallu attendre les rumeurs de son probable assassinat par ses amis putschistes pour que Doumbouya décide enfin de s’afficher avec lui.
Pourtant, le chef de la junte garde toujours une dent tenace contre celui qui avait décidé, au lendemain du coup d’État, de garder pour lui la plus grande partie du butin volé dans les appartements du président Alpha Condé. Il est évident qu’entre les deux putschistes, ce n’est pas le grand amour. Et c’est un secret de polichinelle.
Cependant, deux hypothèses peuvent expliquer ce brusque rabibochage entre les deux hommes. La première, et de loin la plus importante, est à chercher dans la volonté de Doumbouya de confisquer le pouvoir de l’État pour son seul bénéfice. Même s’il a décidé d’entretenir le flou sur le chronogramme des scrutins, lors de ses vœux de nouvel an au peuple meurtri de Guinée, le chef de la junte a promis l’adoption d’une nouvelle Constitution en 2024 ainsi que l’organisation d’une élection présidentielle devant acter le retour à l’ordre constitutionnel.
On le sait, Mamadi Doumbouya n’a aucune intention de lâcher les rênes du pourvoir. Pour lui, son maintien à la tête de la Guinée est l’unique option envisagée après la tenue de la présidentielle. Il est pleinement conscient que la tâche ne sera pas aisée, tant les Guinéens, qui l’ont vu à l’œuvre depuis deux ans, sont moins enclins à le laisser à la tête du pays. Voilà pourquoi, il a besoin de resserrer les rangs autour de lui et de recourir à ses compagnons des premières heures.
Autrement dit, à l’approche des échéances aussi cruciales que sont le référendum constitutionnel et le scrutin présidentiel, Mamadi Doumbouya a besoin des siens pour faire bloc. Il sait qu’il tentera un passage en force et qu’il ne pourra compter sur la loyauté de l’armée guinéenne. Il devra donc se contenter des hommes de main comme Michel Lamah pour réprimer tous ceux qui vont lui barrer la route.
La seconde hypothèse, qui se rapproche d’ailleurs de la première, tient de la détermination du chef putschiste à se donner l’image d’un homme sérieux. Il entend renvoyer à l’opinion publique l’image d’un homme peu vénal, qui ne saurait faire assassiner l’un de ceux qui l’ont aidé à s’emparer du pouvoir en raison d’une divergence sur des questions d’argent. Ce qui confirmerait son manque de loyauté et son ingratitude. Surtout que la majorité des Guinéens ne lui pardonnent toujours pas le fait d’avoir trahi le président Alpha Condé, auquel il doit tout. La société guinéenne étant pieuse, les parricides sont très mal vus.
Il est clair que Mamadi Doumbouya a ressuscité Michel Lamah pour les besoins de ses ambitions démesurées. Non pas parce qu’il nourrirait une grande affection pour ce dernier, tant s’en faut, simplement parce qu’il le considère comme l’un des pions le plus dociles de son échiquier. En tout cas, une simple main qui ne tremblera pas lorsqu’il sera question de réprimer les Guinéens.
Une dernière chose pour dire qu’à l’heure des intelligences artificielles et de la prolifération des logiciels de montage photos, rien n’est moins sûr que la photo publiée par les propagandistes du chef de la junte soit authentique. On ne sera pas étonné d’apprendre que grâce à Photoshop, la tête de Michel Lamah a été mise sur un buste qui n’est nullement le sien afin de démentir les rumeurs de son assassinat. Personne n’est dupe.
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