Guinée : la junte compte sur la solidarité des pays voisins pour faire face à la crise du carburant

Le 17 juin 2023, l’ancien président béninois Thomas Boni Yayi, médiateur de la Cédéao pour la Guinée qui devrait se rendre à Conakry avait dû annuler sa visite sur les injonctions de la junte au pouvoir.

Prétextant « des raisons de calendrier », le ministre des Affaires étrangères des putschistes avait exigé de la Cédéao de « mettre ce report à profit pour partager les termes de référence de la mission avec les autorités guinéennes ».

 

Traduction : les putschistes ne voulaient pas rencontrer la délégation de la Cédéao qui venait leur demander de revenir à « une durée de transition raisonnable et acceptable ». Une demande qui n’entre pas dans leur plan, puisqu’ils ont la ferme intention de confisquer le pouvoir de l’État pour de nombreuses années encore.

 

D’ailleurs, l’on se souvient de la déclaration incendiaire de l’un des proches collaborateurs de Mamadi Doumbouya contre le président en exercice de la Cédéao de l’époque, le bissau-guinéen Umaro Sissoco Embaló, qualifié de « guignol ».

 

Aujourd’hui, après la puissante explosion ayant provoqué l’incendie qui a détruit le principal dépôt de carburant du pays, la junte militaire au pouvoir, dans une stratégie qui ne trompe personne, feint de revenir à de meilleurs sentiments à l’égard de l’organisation sous-régionale. En vérité, elle compte essentiellement sur la solidarité des pays membres de la Cédéao afin de sortir la tête de l’eau.

 

À preuve, ces putschistes multiplient les demandes d’assistance à leurs voisins pour éviter une grave crise socio-économique aux conséquences imprévisibles.Car ce sont ne nullement les réquisitions d’une partie des réserves de gasoil des sociétés minières décidées par le régime des putschistes, qui permettront de juguler l’augmentation exponentielle du prix de la course et des marchandises. Ces réquisitions exhalant le parfum de la démagogie, en plus d’être une solution non-pérenne, ressemblent plutôt à des « mesurettes ».

 

En tout cas, les putschistes semblent découvrir l’importance de la solidarité sous-régionale en faisant appel aux pays voisins pour alimenter les stocks de carburant à travers le pays.

 

Ainsi, ont-ils envoyé, toute honte bue, une centaine de camions-citernes en Sierra Leone, dont la capitale Freetown est plus proche de Conakry.  Nous avons appris qu’un autre convoi de camions avait pris la route du Sénégal, le mardi 26 décembre dernier. Mieux, la Côte d’Ivoire a promis de faire don à la Guinée de l’équivalent de 100 millions de francs CFA de carburant. On peut imaginer que d’autres pays tels que le Nigéria, l’un des principaux producteurs de pétrole du continent, mettront la main à la poche pour aider la junte au pouvoir.

 

Manifestement, dans l’esprit des militaires qui ont mis un terme à l’expérience démocratique guinéenne, la Cédéao n’est utile que lorsque ses membres délient le cordon de la bourse pour les maintenir à flot, et anticiper la colère des populations. En revanche, l’organisation sous-régionale devient indésirable quand elle exige le retour rapide à l’ordre constitutionnel.

 

On le voit, les putschistes de Conakry, à l’instar de leurs compères de la région, ont une assez surprenante conception de la solidarité internationale. C’est l’occasion de rappeler à la Cédéao qu’elle aurait tort de ne pas assortir son aide à la junte de certaines conditionnalités, dont la première demeure le retour sans délai à l’ordre constitutionnel et la seconde, le retour de tous les Guinéens dans leur pays. Sinon, cette contribution somme toute appréciable n’aurait servi qu’à renforcer la mainmise des putschistes sur l’appareil étatique guinéen, et lorsque ce mauvais vent se sera dissipé, ces derniers reviendront à leur attitude de défiance contre les organisations communautaires.

Important

« La reprise de nos articles est autorisée à condition de citer la source. »

Partagez sur les réseaux sociaux