Le 17 décembre dernier, les Tchadiens se sont prononcés à une large majorité pour un État unitaire fortement décentralisé. Cependant, cette avancée sur la voie de la normalisation n’est guère du goût de tout le monde, notamment du groupe paramilitaire russe Wagner, décidé à déstabiliser le pays.
Au début du mois de mai 2023, plusieurs groupes armés tchadiens ont adressé une correspondance au préfet de la Vakaga, région située à la frontière entre la République centrafricaine et le Tchad afin de solliciter un camp d’entrainement.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette curieuse demande a levé tout doute raisonnable sur la proximité des mercenaires russes du groupe Wagner – qui constituent une assurance-vie pour le régime de Bangui – avec certains leaders de l’opposition armée du Tchad. Sinon, ces rebelles auraient eu plus de scrupule à formuler un tel souhait, tordant ainsi le cou au sacro-saint principe de respect mutuel entre pays voisins.
Mieux, la missive est venue confirmer les informations du quotidien américain le Wall Street Journal qui, en février déjà, a révélé que le patron du groupe paramilitaire russe a offert aux rebelles tchadiens un soutien matériel et opérationnel afin de faire tomber le gouvernement de Ndjamena.
Une opération qui pourrait inclure, précise une source interrogée par le journal, l’élimination du président Mahamat Idriss Deby. D’après le quotidien, les autorités américaines en ont informé leurs homologues tchadiennes, qui auraient pris l’avertissement très au sérieux. Soit.
Pourtant, il y a toujours lieu de s’inquiéter sur les risques de déstabilisation du Tchad par les mercenaires russes de Wagner. À un moment où le pays panse ses plaies du passé et tente de réconcilier ses enfants. À en croire plusieurs sources très bien introduites au sein du pouvoir en Centrafrique, Wagner n’a surtout pas abandonné ses visées déstabilisatrices du pouvoir tchadien. Il ne fait l’ombre d’aucun doute que les principaux responsables du groupe paramilitaire russe continuent leurs manœuvres abjectes visant à provoquer des troubles dans le pays, et pour atteindre leur objectif, ils s’appuieraient, en plus des groupes armés, sur certains complices tapis dans l’ombre à N’Djamena – ce qui rend la menace bien réelle. D’autant que la Russie est soupçonnée d’avoir activement soutenu le coup d’État militaire qui a eu lieu au Soudan en 2021 afin de maintenir ses accès aux ressources minières soudanaises après la chute de son meilleur allié, Omar el Béchir en 2019.
Que les Russes de Wagner convoitent les richesses du Tchad et souhaitent placer des hommes qui leur sont totalement soumis à la tête de l’État est dans la logique des choses. Mais, que certains citoyens tchadiens, qui aspirent à la paix et au développement harmonieux de leur pays, cèdent à ces sirènes, est proprement scandaleux.
Car, les exemples de la République centrafricaine et du Mali sont là pour dissuader les élites tchadiennes à envisager d’avoir recours à ces mercenaires sans foi ni loi, qui multiplient les violations des droits fondamentaux des peuples. Non content d’avoir confisqué l’ensemble des libertés, à commencer par la première d’entre elle, à savoir la liberté d’expression et d’association, les gouvernements centrafricain et malien, aidés par Wagner, ont érigé l’arbitraire en mode de gouvernement.
Dans ces pays, la justice est réduite à sa plus simple expression. Les tenants du pouvoir se sont substitués aux instances judiciaires et leur simple volonté fait office de loi. C’est ainsi qu’ils ont fait arrêter et jeter en prison plusieurs centaines de citoyens dont le seul péché est de s’opposer à leur souhait de confisquer le pouvoir de l’État. Mêmes les organisations de défense des droits de l’homme ont arrêté de compter le nombre des dirigeants des organisations non-gouvernementales et les leaders d’opinion qui ont été injustement jetés en prison. Une chasse aux sorcières aux allures de cabale lancée contre tous ceux qui résistent.
Est-ce vraiment une politique souhaitée par le peuple tchadien ? La réponse est bien évidemment dans la question. Le peuple tchadien aspire à plus de liberté, dans un environnement démocratique, et à plus de bien-être, dans la paix ainsi que la stabilité.
Or, Wagner cherche simplement à violer la souveraineté du Tchad. La désinvolture de ces mercenaires et le peu de cas qu’ils font des principes censés régir le fonctionnement d’un État démocratique sont proportionnels au caractère nuisible de leur offre de service pour les corps de l’État et les forces de sécurités locales.
Ce qu’ils désirent en réalité, c’est d’isoler le pouvoir exécutif tchadien, et prendre le contrôle de l’État, dont le chef deviendrait finalement une simple marionnette à leur solde. Pire, malgré ses promesses mirifiques, Wagner n’a pas la capacité d’améliorer la situation sécuritaire dans les pays où ces hommes sont implantés. La situation sécuritaire au Mali et en Centrafrique n’a jamais été aussi catastrophique.
La Russie est loin d’être un soutien diplomatique fiable pour le Tchad. À preuve, elle a achevé sa présidence du Conseil de Sécurité des Nations Unies en avril 2023 sans jamais évoquer le Mali, ni convoquer la réunion spéciale demandée par la diplomatie malienne au sujet de prétendues preuves du soutien de la France aux terroristes maliens.
Il convient également de rappeler que le coût du recours aux mercenaires de Wagner est loin d’être supportable pour les populations tchadiennes, qui ont du mal à joindre les deux bouts. Wagner propose ses prestations pour un cout exorbitant qui inclut la prise de contrôle de ressources naturelles. Autant dire que ces mercenaires coûtent le budget de la justice, la santé et l’éducation dans les pays qui font appel à leur service.
En clair, les mercenaires de Wagner sont nuisibles aux États africains en général et plus particulièrement au Tchad. Les soldats tchadiens qui ont la réputation d’être courageux et aguerris doivent continuer à défendre leur pays contre toutes les menaces extérieures parmi lesquelles celle de Wagner figure en premier lieu. Les autres, groupes rebelles compris, ont tort de céder à la tentation de ces mercenaires russes, qui ne vont jamais laisser un souvenir impérissable au peuple.
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