Dommageable complaisance des acteurs internationaux à l’égard de junte guinéenne

Au moins une centaine de personnes ont été tuées depuis que le Comité national du rassemblement et du développement (CNRD) s’est imposé à la tête de la Guinée selon un décompte réaliste.

Plusieurs centaines de personnes ont également été blessées lors des heurts avec les éléments de la junte militaire. C’est le résultat macabre de la dérive dictatoriale de Mamadi Doumbouya qui peine pourtant à convaincre sur sa volonté de remettre le pouvoir aux civils dans un délai raisonnable et à montrer son efficacité dans la conduite des affaires du pays.

Le dernier acte de barbarie en date est la sanglante répression de la manifestation organisée le 20 octobre dernier dans le Grand Conakry par le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) pour dénoncer la gestion de la transition par les militaires. Plusieurs quartiers et grands axes de la capitales guinéennes ont été le théâtre d’affrontements entre des groupes de jeunes et les forces de l’ordre déployées en grand nombre pour réprimer les protestataires. Le moins qu’on puisse dire c’est que cette énième répression des manifestants est un véritable pied de nez des putschistes à la Communauté économique des États d’Afrique de d’Ouest (Cédéao), dont une mission technique séjournait dans le pays pour discuter du chronogramme de la transition.

La désinvolture des putschistes et le peu de cas qu’ils font des principes censés régir le fonctionnement d’un État démocratique sont proportionnels à la mansuétude de la communauté internationale à leur égard. Car depuis le 5 septembre 2021 où la souveraineté nationale a été usurpé en Guinée, les auteurs du coup d’État multiplient les violations des droits fondamentaux du peuple. Non content d’avoir confisqué l’ensemble des libertés, à commencer par la première d’entre elle, à savoir la liberté d’expression et d’association, la junte militaire a érigé l’arbitraire en mode de gouvernement. La justice est réduite à sa plus simple expression. Mamadi Doumbouya s’est substitué aux instances judiciaires et sa simple volonté fait office de loi. C’est ainsi qu’il a fait arrêter et jeter en prison plusieurs centaines de citoyens dont le seul péché est de s’opposer à son souhait de confisquer le pouvoir de l’État.

On a arrêté de compter le nombre des dirigeants des organisations non-gouvernementales et les leaders d’opinion qui ont été jetés injustement en prison. Une chasse aux sorcières aux allures de cabale a été lancée contre les ex-hauts dignitaires du pays dans une indifférence quasi-générale. Et c’est là où le bât blesse. Comment comprendre et interpréter l’attitude complaisante de la communauté internationale, si prompte en d’autres circonstances à monter sur ses grands ergots, à l’égard de Mamadi Doumbouya et sa suite ?

Qui ne se souvient pas que les pays membres de cette fameuse communauté internationale n’avaient pas été tendres voire carrément sévère vis-à-vis du régime du président Alpha Condé, au prétexte que ce dernier aurait réprimé des manifestants opposés à son troisième mandats ? L’on a encore en mémoire la « lettre sur la situation des droits humains en Guinée » datée du 8 avril 2020, dans laquelle 32 députés européens rappelaient au haut représentant et vice-président de la Commission européenne, Joseph Borrell, ce qu’ils ont qualifié de « graves atteintes aux droits de l’homme » imputables aux dirigeants de l’ancien régime. À cette occasion, ils avaient dressé la liste de 25 personnalités qui étaient au cœur de l’appareil d’État, au premier rang desquels l’ancien Premier ministre Ibrahima Kossory Fofana ou encore le ministre de la Défense Mohamed Diané pour ne citer que ces derniers, que ces parlementaires voulaient voir sanctionner parce qu’ils auraient participé « activement à la répression des manifestants ». Qu’en est-il du régime de la transition ?

Aujourd’hui, comme dirait l’autre, Mamadi Doumbouya et sa suite « jouent à un jeu de dupe depuis plus d’un an », lequel jeu se révèle être dangereux pour l’avenir de la Guinée, sans que personne ne bronche ou seulement timidement. Tout se passe comme si les hérauts de la démocratie et des discours droit-de-l’hommemistes regardent ailleurs. Leur credo ? Circulez, il n’y a rien à voir. À preuve, le pseudo « compromis dynamique » obtenu vendredi 21 octobre à l’issue de la mission technique des experts de la Cédéao, et présenté comme un gage de bonne volonté de la junte pour rendre le pouvoir à un président élu au bout de deux ans. Le problème, c’est que ce chronogramme dit consolidé d’entrera en vigueur qu’à partir de janvier 2023 comme l’a laissé entendre le chef de la junte. Or si on additionne ces 24 mois avec la période qui sépare le coup d’État à ce jour, on sera au-delà de 36 mois. La logique aurait voulu que les 24 mois annoncés commencent à courir à partir du 5 septembre 2021. On le voit, ce calendrier, qui devra encore être approuvé par un sommet ordinaire de la Cédéao permet aux uns et autres de sauver la face.  Mais la vérité est ailleurs : les putschistes ne veulent pas renoncer à diriger le pays pendant trois ans.

Entre temps ce sont des millions de citoyens guinéens qui subissent les affres de la mauvaise gouvernance de Mamadi Doumbouya et sa clique. Pis, à coup de propagande, d’actions de communication savamment orchestrées et rondement rémunérées, les dirigeants de la transition ont réussi à se présenter comme des défenseurs de la justice sociale. Un comble. Avec cette propagande, et en instrumentalisant le procès du massacre du 28 septembre 2009, la junte apparait l’incarnation de la justice. Alors que ses membres sont les premiers à fouler aux pieds les principes élémentaires de l’État de droit. Personne n’est dupe. D’ailleurs, certains dénoncent déjà une justice sélective et appellent à l’ouverture d’une enquête indépendante pour déterminer les circonstances de la disparition d’une centaine de soldats de la garde présidentielle tués le jour du coup d’État, dont on ignore à ce jour le lieu de leur inhumation. Qui rendra justice aux familles de ces militaires qui ont besoin de savoir où se trouvent les dépouilles de leurs proches ? Voilà qui en dit long sur la nature de cette junte ! Aussi, quelle crédibilité aurait la justice des gens qui se sont emparés du pouvoir par la force ?

Une chose est cependant certaine : cette complaisance des acteurs internationaux à l’égard de la junte guinéenne n’augure rien de très rassurant. Bien au contraire. Les Guinéens excédés par la brutalité et les méthodes expéditives de Mamadi Doumbouya ont besoin d’être soutenus plus vigoureusement. Demain, les membres de la communauté internationale ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas.

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