Mamadi Doumbouya responsable de l’incendie de Kaloum ?

Il y a quelques jours, le 18 décembre dernier, peu après minuit, une puissante explosion a provoqué un incendie qui a détruit un dépôt de carburant de Conakry, à Kaloum, le centre administratif de la capitale guinéenne, qui abrite la présidence et le siège des ministères.

 

D’après le bilan officiel mais encore provisoire, 23 personnes sont tuées à la suite de ce drame et 241 autres sont blessées. Ce dépôt, complètement réduit en cendre par l’explosion, était la principale source d’approvisionnement en carburant de tout le pays.

 

Jusque-là, personne n’est en mesure d’évaluer la quantité de carburant partie en fumée ainsi que les énormes pertes occasionnées, tant pour la Société nationale des pétroles (Sonap) que pour les dizaines de sociétés privées de distribution, dont les stocks se trouvaient dans le dépôt.

 

Alors que le drame est intervenu dans un contexte de répression féroce contre les médias et les défenseurs des droits de l’homme, les observateurs crédibles n’hésitent pas à pointer directement la responsabilité du chef de la junte dans ce qui s’est passé.

 

Et pour cause : un projet de délocalisation du dépôt était à l’étude sous la présidence du président Alpha Condé. Car le risque d’explosion a été identifié lors de l’étude d’impact environnementale pour la concession et l’extension du port de Conakry. « L’opérateur identifié pour cette concession était chargé de réaliser à ses risques et périls la réhabilitation et l’extension vers l’est du port selon le contrat de concession signé en 2018 entre le gouvernement du président Alpha Condé, le port autonome de Conakry et le Groupe Turc Albayrak », explique un fin connaisseur du dossier.

 

Ce dernier précise par ailleurs que « pour réduire les risques aussi bien pour le port et le quartier des affaires et de l’administration de Kaloum, le dépôt de carburant devait être déplacé. À cet effet, le président Alpha Condé avait créé en 2018 un ministère ayant pour charge prioritaire le déplacement du dépôt de carburant.  À la suite de la visite exploratoire des experts commis par le nouveau ministre nommé par Alpha Condé, le site de Morybayah dans la préfecture de Forécariah avait été choisi pour abriter le nouveau dépôt pétrolier ».

 

L’ancien président avait fait démarrer les études d’avant-projet sommaire permettant de définir le programme d’investissement pour le nouveau port pétrolier. Ce nouveau port devait aussi servir de port minéralier dans le cadre du projet de minerai de fer de Simandou dont le port d’évacuation a été identifié dans la même zone via un chemin de fer long de 650 km entre Simandou et Conakry.

 

Après l’approbation de l’étude d’avant-projet sommaire « un port en eau profonde était nécessaire. Mais le faible tirant d’eau obligeait la construction de sea lines sur plusieurs kilomètres pour permettre aux bateaux de décharger leur cargaison sans incident. Un projet de raffinerie était inclus dans le programme y compris une zone de stockage des produits dérivés comme le mazout, le bitume, le gaz et les lubrifiants ainsi qu’une zone d’extension future justifiée par une croissance annuelle de 12% de consommation de produits pétroliers. La capacité initiale projetée était de 100 000 tonnes de gasoil et de 50 000 tonnes d’essence pour une durée de réalisation de 30 mois. En avant-projet sommaire (APS) le coût du projet était évalué à 180 millions d’euros pouvant évoluer à la hausse ou à la baisse après les études d’avant-projet détaillé (APD). L’ensemble du programme a permis de délimiter une parcelle de 100ha attribuée par décret Présidentiel au projet. Le site est alloué et borné, le démarrage des travaux étant fonction de la réalisation des études détaillées (APD) et de la mobilisation du financement » ajoute la source citée précédemment.

 

Le partenariat public-privé (PPP) avait été retenu comme mode de financement du projet, avec 55% revenant à l’État dans l’actionnariat. Les dispositions étaient prises dans la structure du prix du carburant pour financer la part de l’État. La société guinéenne de pétrole avait même été créée par décret présidentiel avec des statuts aux normes OHADA pour porter les actions. Les trois actionnaires privés du partenariat (TOTAL, VIVO, COPEG) avait confirmé leur participation ainsi que STAR OIL et le groupe OCTOGONE.

 

D’autres projets de raffineries étaient à un stade très avancé dont celui de Kamsar porté par la société Brahms et financé par l’AFC, ACCES BANK et AFREXIM BANK d’un montant de 430 millions USD pouvant raffiner 15 000 barils/j avec une capacité de stockage de 60 000 m3. Le démarrage des travaux était prévu pour novembre 2021 pour un délai de réalisation de 12 mois pour la première phase.

 

Malheureusement, le 5 septembre 2021, Mamadi Doumbouya s’est emparé du pouvoir en enjambant les cadavres de ses compatriotes. Ce qui fait dire à l’opinion que s’il n’y avait pas eu le putsch sanglant de l’ancien légionnaire français, la délocalisation du dépôt de carburant de Kaloum relèverait déjà du passé. Il n’y aurait pas eu le drame du 18 décembre, et on aurait épargné la vie de nombreux Guinéens. Autrement dit, le principal responsable de ce drame est à chercher du côté du palais Mohamed V, à savoir Mamadi Doumbouya.

Yasmine Perriere

 

 

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